Né un 13 octobre dans une famille vaudouesque dans la banlieue sud de Port-au-Prince, Erol Josué est chanteur, danseur, chorégraphe, prêtre vodou. L’artiste pluridisciplinaire qui se considère comme un livre ouvert et un « passeur de traditions » a accepté de partager avec nous les riches chapitres de son parcours diversifié.
Erol évoque à travers sa musique les racines profondes de son enfance entre Carrefour et Martissant, dans un péristyle et à la paroisse Saint-Charles -ayant été scolarisé chez les Frères-, plongé donc dans la spiritualité vaudouesque et le syncrétisme religieux. Ayant grandi dans le quartier Cité Beauboeuf à Manigat, il a puisé son inspiration dans l’environnement, les chants traditionnels de sa famille, les dévotions, et les éléments écologiques qui l’entouraient. Il cite l’eau, les habitants, les rues, les marchandes ambulantes, le « voye pwen », les bandes de rara dont Hydravion qui était très connue à Carrefour. Tout cela a nourri son imagination, son enfance, le petit être qu’il était pour l’aider à grandir.
Il est fier d’avoir aussi fait ses premières armes dans une belle littérature orale avec ses grand-mères qui lui racontaient beaucoup d’histoires, sur l’occupation américaine, sur les quartiers, et des contes. Sa mélancolie, forgée par la perte précoce de ses grand-mères, est devenue également une source d’inspiration qui se reflète dans sa musique. Cette mélancolie l’a meurtri, l’obligeant à faire face à ces deuils qu’il portait en lui. L’artiste confie avoir commencé à pleurer tôt, voyant sa mère attristée par la perte d’êtres chers.
Une carrière musicale exceptionnelle
Erol Josué a laissé Haïti pour aller vivre à Paris dans les années 90. Bien avant, il a perfectionné son art en prenant des cours de chant, des cours de danse avec Vivianne Gauthier et a intégré le Ballet Folklorique Haïtien (BFH), en Haïti. Son parcours académique et formation continue se complètent par un passage à l’Ecole Nationale des Arts pour la danse et l’histoire de l’art, des études en Ethno-scénologie en France et en Performance arts aux États-Unis d’Amérique. Son premier album « Regleman » paraît pourtant à New-York en 2004, marquant ainsi le début de sa riche carrière dans l’industrie musicale. Cet album reparaît en 2007 sous un autre label, Caroline distribution, une division d’EMI music. Sa carrière sera ensuite suivie de collaborations marquantes avec des artistes tels que le Dj Jephté Guillaume et Joe Claussel sur ce single intitulé « Papa loko ».
Avec le célèbre artiste et percussionniste Markus Schwartz, il a participé au projet « Vodou nan lakou Brooklyn ». Jusqu’à date, il n’était qu’un artiste émergent. En 2008, le succès international vient avec son hit Gason solid qui a fait écho dans tous les grands journaux américains. Boston Globe, Miami New Times dont il a fait la couverture, Village Voice, LA times, New York Times… En effet, ces papiers lui ont conféré une forme de reconnaissance dans le milieu international et « alternatif », comme il aime dire pour ne pas citer le « HMI » qu’il avoue ne pas comprendre.
L’un de ses grands succès demeure avec sa brillante collaboration avec le saxophoniste et compositeur français Jacques Schwarz-Bart, sur son projet « Jazz Racine Haïti », alors qu’il préparait son propre album « Pelerinaj », sur lequel il a travaillé pendant des années. Ce deuxième album sorti en 2021 a été classé 7e dans World Music Charts et est monté les grandes scènes du monde, investi de grands musées tels que Brooklyn Musuem. Son parcours pour « Pèlerinaj » l’a fait revenir sur ses pas en Haïti, et à Port-au-Prince pour y vivre en tant qu’artiste et pour diriger le Bureau National d’Ethnologie.
Ses reconnaissances
Faisant la fierté d’Haïti ici et partout ailleurs, le chanteur a glané succès et reconnaissances internationales. Sa plus prestigieuse, selon lui, remonte à 2018, quand il est entré dans le dictionnaire d’Oxford University comme l’une des personnalités de l’Amérique latine qui s’évertuent à faire avancer la culture. Non sans être fier des articles publiés, des couvertures de magazines réalisées, des affiches honorées, des accolades reçues, Erol Josué considère le fait de figurer dans le dictionnaire d’Oxford University comme une grande reconnaissance. En 2022, il a fait la couverture du numéro 183 de Songlines, fameux magazine anglais spécialisé dans la musique.
Aux États-Unis, la Ville de New-York l’a beaucoup récompensé pour son travail académique dans le milieu, spécialement dans le chant anthropologique et le chant ethnologique. Ses réalisations et son engagement envers les traditions haïtiennes le consacrent en artiste incontournable et véritable défenseur du vodou en Haïti et à l’étranger.
De multiples chapeaux pour une seule tête
Au-delà de la musique, Erol Josué porte plusieurs casquettes. En tant que bon initié du vodou, il œuvre à ce que tous ces chapeaux ne fassent qu’un seul : un chapeau Minokan. Il se trouve encore à la tête du Bureau National d’Ethnologie qu’il occupe depuis 2012. À côté de son travail d’artiste, il dirige trois compagnies culturelles.
Erol occupe la fonction de directeur artistique « d’Ethno-Tendance » qui administre « 21 nations », une compagnie de danse œuvrant dans la préservation des danses traditionnelles tout en faisant de la création. Il a mis sur pied « Les Tambours Sacrés d’Haïti », un groupe qui rassemble les tambourineurs d’Haïti dans le but de discuter et de valoriser les rythmes traditionnels. « Nègès FLA Vodou », quant à lui, est un chœur de jeunes femmes initiées que le passionné a créé à son retour en Haïti pour valoriser et préserver les chansons traditionnelles. L’artiste considère les chants vodou comme la « bible orale du vodou », affirme que l’histoire du peuple haïtien réside dans ses chansons. Et selon lui, on ne retrouve pas ces histoires-là dans aucun manuel d’histoire ou manuel de recherche académique sur l’histoire d’Haïti.
Erol Josué siège souvent comme professeur invité dans des universités prestigieuses telles que Harvard, University of Florida, Michigan State University, Duke University. Par ses travaux, il contribue au dialogue académique sur le vodou, tant aux États-Unis qu’en France et en Afrique. En France, il a notamment collaboré avec le musée du quai Branly-Jacques Chirac en tant qu’artiste et ethnologue sur la question du vodou et de l’anthropologie. Il a également prêté ses services au continent african comme on peut le deviner, spécialement avec le « Laboratorio Art Contemporain » sur l’anthropologie et la danse, au Bénin.
Son regard sur la situation en Haïti est profondément ancré dans sa citoyenneté, vivant la réalité du pays en tant que personnalité publique qui a fait choix de rester en Haïti. La perte de son péristyle familial incendié et la dégradation du pays le touchent profondément, faisant de son travail une forme d’expression et de résistance, à côté de ce travail d’anthropologie et sur la mémoire.
Sa musique, véritable plaidoyer, porte des messages de respect pour la différence, l’environnement et les femmes. Erol Josué revendique la modernité tout en restant connecté à ses racines, offrant ainsi une contribution artistique, festive, philanthropique et intellectuelle à la scène culturelle mondiale. Le travail d’Erol Josué s’inscrit dans la citoyenneté, tissant également un impressionnant témoignage de notre richesse culturelle et de son engagement envers la préservation des traditions haïtiennes.
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