À 24 ans, Wasly Noris, alias Whisky Charme, se fait un nom dans le monde de la poésie haïtienne. Originaire du Cap-Haïtien, ce jeune poète, slameur et performeur, construit un parcours marqué par l’amour des mots et une quête de sens, oscillant entre mélancolie et passion. Entretien avec un poète en quête de lumière.
Actuellement étudiant en agronomie, spécialisé en agroéconomie et développement durable, Wasly explore la poésie comme un miroir de ses émotions, une réponse artistique à ses désillusions et à sa vision du monde. Finaliste de la première édition du concours national de slam organisé par la Fédération Haïtienne Slam Poésie, co-fondateur des collectifs Les Étoiles Rimées, La Petite École d’Écriture Symbolique et Explore Art-Fusion, Wasly Noris se fraie son petit bonhomme de chemin dans le monde de la littérature.
Il est publié dans des revues prestigieuses telles que Do Kre I S, Cavale, Ancrages et 1ppecq. Cette année, son talent a également été salué à l’international : il est lauréat du Prix Jasmin d’Argent Francophone des Jeux Floraux de l’Agenais pour son poème « Chant d’une ville déchue ».
Interrogé sur ses premiers pas en poésie, il révèle que tout a commencé avec une déception amoureuse. « Mes premiers poèmes sont nés de cette blessure amoureuse, d’une quête de chaleur dans un monde où je me sentais privé de lumière. À partir de là, mes écrits se sont nourris de thèmes comme l’amour, la féminité, l’érotisme et la mélancolie qui allaient dominer mes vers. La poésie était en moi, mais je ne l’avais pas encore découverte », confie-t-il.
Son premier recueil de poèmes, intitulé Laviwonn Anmorèz, paraîtra bientôt aux Éditions Varella, prêt à se livrer au regard du public. Dans ce recueil, il peint ses sentiments pour « Anmorèz », sa bien-aimée, et s’interroge sur sa culture, ses idéaux et ses frustrations.
« Laviwonn Anmorèz est une fresque poétique où se déploie une multitude d’images. J’y dévoile mes sentiments à celle que je nomme « Anmorèz », un thème haïtien désignant la bien-aimée. À travers ce texte, j’ai voulu mettre en lumière notre culture, nos quotidiens, ma vie et mon idéologie. » déclare-t-il avec passion. « La poésie contenue dans ce recueil ose tout, elle est ciselée avec soin, unissant nos manières d’aimer et mes frustrations que je clame sans retenue. », poursuit-il.
Pour Wasly, la poésie haïtienne est un acte de résistance. Dans un pays où les livres sont difficilement accessibles et où les voix s’étouffent, il voit la poésie comme un moyen de sensibilisation et de revendication.
«En Haïti, la poésie est un acte de résistance. Un espace où les sans-voix trouvent une voix pour dénoncer les injustices. Je ne pense pas que la poésie puisse à elle seule transformer l’ordre des choses. Ce n’est pas du pessimisme, mais une réalité : la quantité de lecteurs en Haïti est faible et il reste beaucoup à faire pour rendre les livres accessibles dans tous les coins du pays. C’est l’un des grands coups portés par ce système qui écrase l’ordre social et réduit chaque jour un peu plus l’accès aux livres, déjà limité. Dans un tel contexte résister devient une nécessité.
La poésie ne transformera pas l’ordre des choses d’un coup, mais elle peut éveiller les consciences », affirme-t-il, réaliste mais optimiste.
Avec humilité, Wasly invite tous les jeunes aspirants poètes à lire pour affiner leur art, car « la meilleure école d’écriture est la lecture ». Pour lui, cette pratique est un terreau fertile, un lieu d’apprentissage qui nourrit l’âme et les mots.
Et en exemple, notre poète révèle : « Je lis un peu de tout », bien que sa racine soit profondément ancrée dans la littérature haïtienne. Parmi ses maîtres à penser, il cite des piliers comme Georges Castera, René Depestre, Frankétienne, Markenzy Orcel, James Noël, Rodney Saint-Éloi, Anthony Phelps, Bonel Auguste, Manno Ejèn, et Jean D’Amérique, dont les œuvres ont nourri son admiration et sa passion. Mais il confier puiser aussi dans la fraîcheur de ses contemporains : « Il y a aussi des poètes-camarades tels qu’Apollon Pascal, Elbeau Carlynx, Eliphen Jean, Witerwan Kenley Jean, Berthdley Pierre et Salomon Peterly qui font partie de cette lignée d’influences. »
Medium convaincu, Wasly laisse la poésie s’imposer d’elle-même. Les vers naissent, et il reste attentif à ce que le temps leur réserve. En attendant, il continue sa « marche lente de poète » sur le chemin des mots, en quête de lumière et d’espoir pour lui-même et pour son pays.