L’écrivain Jim Larose a récemment publié « La mort du roi » son tout premier roman paru chez les Shell Éditions. Dans un entretien accordé à la rédaction, le jeune auteur s’est livré à cœur ouvert concernant cette première étincelle dans la sphère littéraire.
Avec « La mort du roi », son premier roman, Jim Larose choisit d’ouvrir les yeux là où beaucoup les détournent : sur l’assassinat du président Jovenel Moïse. Dans un pays encore marqué par la stupeur, il transforme ce fait historique en matière littéraire. « C’était d’abord un devoir de mémoire. Pour ne pas laisser sans lumière cette partie de l’histoire », confie-t-il.
Pour l’auteur, la littérature devient un terrain de vérité parallèle : « J’ai senti qu’il y avait un vide de récits, un silence autour de cet acte, et que la littérature pouvait être un espace pour l’explorer autrement. » La fiction, dit-il, lui a offert la liberté d’inventer des personnages, de plonger dans l’intime, d’exposer les contradictions humaines derrière les faits bruts. « Ce n’était pas une décision facile, mais c’était nécessaire, un peu inévitable. »
Le titre du roman, La mort du roi, évoque moins une personne qu’une fonction. « Le mot “roi” porte une valeur universelle : l’image de tout pouvoir qui croit pouvoir régner sans contrainte. » Loin du simple récit d’un assassinat, Larose en fait une méditation sur le pouvoir et sa chute, une tragédie où la mort du dirigeant devient la métaphore d’un système qui se sacrifie pour continuer d’exister.
Le roman est fictif, mais profondément ancré dans le réel. « C’est une fiction, mais elle s’inspire de faits réels, de témoignages et de documents que j’ai consultés. » Pour garder sa liberté narrative, l’auteur a maquillé les pistes, changé les noms. Car l’enjeu n’était pas de raconter l’événement, mais de le questionner : « Ce qui m’intéressait, ce n’était pas de dire “ce qui s’est passé”, mais de poser des questions. »
L’équilibre entre engagement et distance traverse tout le livre.
« La politique est inévitable dans ce type de récit, mais je ne voulais pas écrire un pamphlet ni un manifeste. » Le narrateur, un journaliste, sert de témoin inventé. À travers lui, le roman aborde la corruption, la présence des gangs, l’influence étrangère, mais toujours à hauteur d’homme : « Mon but n’était pas de dire : “voilà le coupable”, mais de montrer un système où chacun est compromis à sa manière. »
Dans un pays où la justice est aux abonnés absents, Larose croit au pouvoir de la mémoire. « La vérité n’appartient jamais à un seul récit. Derrière un événement de cette ampleur, il n’y a pas un coupable unique mais un système d’intérêts, de silences et de complicités. » L’écriture devient alors résistance : « Dans un pays comme le nôtre, la mémoire et l’écriture peuvent devenir les seules formes de résistance. »
L’écriture du roman fut une traversée émotionnelle. « Lourde expérience. Peurs réelles. Ce souci de ne pas trahir les souvenirs, dans un espace où la fiction et la réalité se frôlent. » Mais c’est aussi cette peur qui nourrit la création : « Écrire ce roman a été pour moi une manière de rester debout face au chaos. »
Les réactions n’ont pas tardé.
« Certains lecteurs m’ont remercié d’avoir osé mettre en mots un sujet que beaucoup préfèrent contourner. D’autres m’ont reproché de rouvrir des blessures. » L’auteur assume : « C’est normal. La littérature doit déranger, questionner, réveiller ce que l’oubli tente d’effacer. Un livre qui ne suscite ni émotion ni débat est un livre qui n’a pas rempli sa mission. »
Journaliste, écrivain, traducteur et juriste, Jim Larose est membre de l’Atelier Jeudi Soir et cofondateur de l’Atelier Tambours du Soleil. Né à Port-au-Prince, ancien étudiant de la FDSE, il signe avec La mort du roi un premier roman audacieux, lucide, où la littérature s’avance là où l’histoire hésite encore à parler.
Jephte Estiverne
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