Dans un quartier de la Cité d’Anacaona, Léogâne, réside une étoile du rap. Peu connu du public national, cet artiste doté d’une voix exceptionnelle est pourtant l’une des fiertés de la musique haïtienne. Né Mackendy Leriche, connu sous le pseudo Badamay, ce léogânais traîne avec ce pseudo, une histoire profonde, tissée d’amour, de passion et de tragédie.

Badamay est un artiste talentueux qui a charmé le public avec sa voix et sa présence sur scène. Au fil des ans, la musique est devenue pour lui un moyen d’expression, un refuge. Il puise son inspiration personnelle profonde dans l’amour et le souvenir de son regretté frère, Richard M. Un frère qui, malheureusement, a été emporté trop tôt par le séisme dévastateur du 12 janvier 2010, laissant derrière lui un vide indescriptible mais aussi un héritage musical précieux pour Badamay.

A LIRE AUSSI

Musique : Richard Cave et KAÏ sont « Ok » avec un 4ème album

Prix Fetkann Maryse Condé : Yanick Lahens sacrée lauréate dans la catégorie mémoire

Sa rencontre avec la musique

C’est grâce à Richard que le jeune Mackendy découvre sa voie dans la musique, à travers les rythmes envoûtants des artistes jamaïcains des années 1990-2000 qu’écoutait son frère. Cette passion partagée a su transcender le temps et guider l’artiste sur son chemin. Badamay nous raconte que son frère, friand de musique, avait toujours sa petite radio à portée de main. Lui, se retrouvait toujours aux côtés de son frère pour ces escapades musicales, mais étant timide, il ne chantait pas. Puis vint le jour, où son frère l’observait discrètement en train de chanter et lui confirma son talent, étonné et conquis par la voix du petit.

C’est ainsi qu’encouragé par ce frère qui le baptise alors Badamay, le jeune chanteur ose enfin explorer ses talents vocaux, se découvrant lui-même la voie qui captive. Par la suite, influencé par des artistes et des groupes, comme King Posse, R Kelly, en passant par Beenie Man et Sean Paul, Badamay embrasse la diversité musicale sans frontières. Badamay est capable de chanter aussi bien en créole qu’en anglais, à l’aise avec le hip-hop, le reggae, le RnB, fusionnant les genres pour créer un son unique qui lui est propre et s’affirmant comme un véritable artiste polyvalent.

Pour Badamay, la musique va au-delà d’une simple source de divertissement. Selon le natif de Léogâne, c’est un outil puissant pour véhiculer des messages, pour élever les consciences et inciter à l’action. À travers ses chansons, il aborde des sujets sensibles et engagés, de la lutte contre la violence faite aux femmes à la critique de la politique de son pays. Il refuse de danser sur le son de la division et appelle à l’unité et au progrès.

Ses réalisations

Bien qu’il n’ait pas encore d’album complet à son actif, Badamay dispose d’une série de singles impressionnants et de collaborations remarquables qui ont fait leur temps et prouvé le talent de l’artiste. Dans son répertoire personnel, figurent des titres évocateurs « Pwoblèm pi rèd », « Nou pran nan zip », et « Kilès », un morceau lyrique, que même les enfants de la cité fredonnaient à sa sortie.

Après 2010, le mouvement du rap créole a connu un essor considérable à la cité d’Anacaona où plusieurs groupes ont pris naissance. Mais selon la clameur publique, deux d’entre eux s’étaient hissés au sommet, il s’agissait de The Kings et Zo Kràn, un peu à la manière de Barikad Crew et de Rockfam. Ainsi, Zo Kràn, groupe mythique de Badamay, a secoué la région des Palmes durant quelques années. Ce qui a été pour eux une véritable heure de gloire. Plusieurs de leurs titres résonnaient en succès avérés dont notamment « Podyab Ayiti » ou encore « Kolangèt » qui a été même repris dans une mixtape du DJ de Carrefour, Tony Mix, à l’époque.

Parmi ses collaborations les plus notables, Badamay nous parle de celle avec Fantom Papa Rap La sur l’album «Salute 1», une alliance artistique prometteuse qui n’a malheureusement pas vu le jour à cause de certaines circonstances. Mais, on retrouve le rappeur de BPC sur un track du groupe de Léogâne qui porte également la voix de Dutty, également intitulé « Prè pou Batay ». L’autoproclamé King Wendyyy figure également sur « Floch », un titre vidéoclipé du groupe qui a eu un succès fou à sa sortie.

Au-delà du talentueux artiste

Les défis quotidiens n’ont jamais freiné la détermination de Badamay sur sa route. Même dans les moments les plus sombres de son existence, sa musique brille d’une lumière inextinguible, prônant l’espoir et la résilience à ses frères et sœurs. Père de famille et citoyen de sa commune, l’artiste s’évertue quotidiennement à rester sur sa ligne, fidèle à ses convictions.

Sur scène, Badamay incarne l’essence même de l’artiste, vibrant d’énergie et de passion, captivant son public avec chaque note. Mais en dehors des projecteurs, il demeure humble et authentique, une âme simple guidée par sa foi en la musique et en l’humanité. Les témoignages de ses voisins disent qu’il incarne le respect de tout le monde, sans exception. Par ailleurs, c’est quelqu’un qui aime tenir la main aux autres dans la mesure de son possible. Sa demeure se transforme souvent en véritable studio, en véritable champ d’entraînement où plusieurs artistes locaux aiguisent leurs armes, s’entraînent avant de toucher d’autres horizons.

Dans les studios, Badamay façonne ses chansons avec soin et précision, conscient que chaque note et chaque mot portent le pouvoir de toucher les cœurs et de changer les esprits. Car pour Badamay, la musique n’est pas simplement une passion, c’est aussi bien une vocation. Actuellement en studio pour un demo, il nous assure que le public appréciera. Et bien qu’il ne soit encore largement connu comme son talent le mérite, son influence et son impact sont déjà ressentis bien au-delà des limites de sa ville. Badamay demeure un artiste authentique et modeste, une étoile rare, mais surtout une voix sûre pour les voix étouffées.