Si l’étape de l’école classique reste comme un rempart à franchir, l’art demeure une porte secrète seuls les passionnés possèdent la clé. De Gros-Morne à Port-au-Prince Rony Joseph vit de sa passion, chérit ses rêves et place ses objectifs.
Decostière, septième section communale de la commune de Gros Morne, dans le département de l’Artibonite naquit en 1986 Rony Joseph plus connu sous le nom de Batala. Premier né d’une fratrie de trois enfants du côté de sa mère, Fragelia Charles qui est une commerçante et dernier d’une fratrie de quinze enfants du côté de son père, Amondieu Joseph qui était un médecin.
A l’âge de dix ans Batala a été scolarisé dans sa ville natale. Il a fait ses premiers pas à l’école Presbytérale de Decostière. Ses études secondaires sont partagées entre le Lycée Fabre Nicolas Geffrard et le Lycée Bicentenaire des Gonaïves. Son parcours scolaire va être interrompu pour des raisons non dévoilées par ce dernier. En 2009, il rebrousse chemin de l’école au lycée Bicentenaire des Gonaïves. En 2012, après un échec au baccalauréat (Rhéto), Batala met définitivement un terme avec ses études classiques.
Batala et l’Art une histoire d’amour passionnante !
Il est un danseur, un tambourineur qui est passionné de ce qu’il fait. L’arrêt brusque de son parcours scolaire ne va nullement influencer son amour pour l’art. Afin de réaliser et de concrétiser ses rêves, il a pris le temps de se lancer à des formations. D’abord, il a reçu une formation en tambour avec le Collectif pour la Sauvegarde des Traditions Haïtiennes, aux trois symboliques Lakou des Gonaïves ; Badjo, Souvnans, Soukri, avec des formateurs qui ont marqué l’espace culturel et l’art haïtien tels Samba Zao, Jozil Rebert, Harold Laurenceau, Jean Ernst Michelet. Cela ne s’arrête pas ! Ensuite, il se lance dans les formations de danse. La compagnie de danse D’Ayikodans et Ayiti Tchaka ont permis à Batala de danser les nombreuses chorégraphies enseignées.
Après plusieurs séances de formation suivies, c’est à son tour de former les plus jeunes. Son parcours professionnel est marqué par la création de nombreuses troupes de danse et l’unique école de tambour en Haïti. En 2010, il crée sa première troupe de danse folklorique à Gonaïves sous le nom de Twoup Kreyòl. Dès lors, il tient à former d’autres jeunes pour le plus grand bien de la culture haïtienne. Ses formations sont à la fois pour des élèves d’école classique et des organisations politiques à travers le pays. Toujours à Gonaïves, il a travaillé avec des élèves du Collège Immaculé Conception, du Collège Diocésain Saint Paul, IDE Haïti, Mission Eau de Vie. A Gros Morne, sa terre natale, il a aussi travaillé avec des jeunes pour le compte du mouvement Jenerasyon ZA, l’Association Originaire Grand Plaine. Il a continué son travail de formateur à Lascahobas au Sant Kiltirèl Lawouze, à Hinche au Mouvement Paysan Papaye, aussi à La Gonâve pour le compte d’ArtGonav et ALBOUT.
A Port-au-Prince son parcours de formateur ne va guère cesser, puisqu’il fonde deux structures artistiques qui n’existaient pas auparavant dans le pays : la seule et unique école de tambour du pays qui porte le nom d’Atelye Tanbou Plen Minwi et le groupe musical MAGOUNDA où seules des femmes jouent le tambour.
Tambour, instrument symbolique de la culture haïtienne !
André Vilaire Chéry écrit : est-il un instrument de musique qui éveille l’âme haïtienne des résonnances émotionnelles aussi riches et puissantes que le tambour ? […] : il n’en est pas. Symbole et instrument du rythme, le tambour, qui accompagne les joies come les peines, le travail comme les moments de détente des haïtiens, est, en Haïti, indissociable à la danse.
Le tambour est considéré comme l’instrument fondamental dans le vodou haïtien. Il représente un symbole culturel et identitaire pour les haïtiens. C’est avec ces mots que Batala dévoile sa sensibilité, son attachement et son appartenance à l’identité culturelle haïtienne.
Dans un article publié par AyiboPost en 2021, Emmanuel Moïse Yves relate la perte progressive de la diversité du tambour au niveau des rythmes folkloriques. La véritable cause de cette perte révèle du manque de formation dans le secteur. En effet, l’Atelye Tanbou Plen Minwi se donne pour mission d’aider les jeunes non seulement à apprendre à jouer et aussi à mieux comprendre l’importance de cet instrument à travers l’histoire, à valoriser et à conserver les familles rythmiques du vodou qui sont considérées comme patrimoine culturel immatériel.
Par l’action de naître et de vivre l’Homme se donne des objectifs, chérit ses rêves à atteindre. En ce sens, Rony Joseph dit Batala projette ses trois plus grands objectifs : d’abord en tant qu’artiste, il tient à aider dans le domaine dans lequel il évolue à travers des formations et des prestations ; ensuite, il rêve d’implanter des centres culturels dans les dix départements du pays où les jeunes pourront bénéficier des formations sur le tambour et, enfin de compte, son objectif ultime est d’intégrer le tambour dans les établissements scolaires : classiques, professionnels et universitaires comme matière à part entière.